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« Nous vivons à travers nos écrans. Nous ne regardons plus, nous filmons. Nous n'écoutons plus, nous enregistrons. Nous ne parlons plus, nous téléchargeons » : c'est sur ces mots que s'ouvre l'exposition « Manifeste » à partir de ce mercredi. Le créateur israélien, aux commandes chez Lanvin depuis 2001, a voulu explorer « l'énorme influence de la photographie sur la mode », explique-t-il à l'AFP. « L'appareil photo a conduit à épurer les lignes, il n'a pas uniquement documenté les habits, il a changé les habits. » « Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, on voit aussi l'influence des écrans, comment cela a un peu aplati la mode », poursuit-il. « Sur les réseaux sociaux on ne voit que le devant (d'un habit). Or la mode, ce n'est pas juste le devant, ou le dos, c'est tout ce qui se passe entre le devant et le dos, c'est ça l'histoire. » « Quand je suis en essayage avec des femmes, pas uniquement des célébrités, avant même de regarder, de sentir la robe, ou de bouger avec, elles se prennent en photo pour voir comment la robe se photographie ! » Lui-même n'a pas d'adresse email, n'utilise pas les réseaux sociaux : « On me demande tout le temps pourquoi je n'ai pas de compte Instagram, et je dis : "Je n'ai pas des amis photogéniques, j'ai de bons amis"! » lance ce designer à la silhouette ronde, chaleureux et plein d'humour. « Maintenant, avant de manger, on photographie. Moi quand je vois la nourriture, je veux la goûter, pas la photographier ! » s'amuse-t-il. Essayages, coulisses, défilés, robes en construction, croquis : dans les cinq salles de l'exposition, quelque 150 clichés, signés de six photographes de mode dont But Sou Lai et Mark Leibowitz, offrent une plongée dans l'univers du designer, avec des couleurs éclatantes et des noirs profonds, des flous, des scènes prises sur le vif. « Je ne montre pas la perfection » La plus ancienne maison de couture en activité, fondée par Jeanne Lanvin en 1889, vient de faire l'objet d'une rétrospective au Palais Galliera à Paris qui s'est achevée en août. Mais ici, la démarche est différente : « A Galliera, on a présenté l'histoire des archives, la tradition. Là, on montre le présent, mais je suis superstitieux, je n'ai pas voulu montrer des habits dans un musée », dit-il. « Je ne montre pas la perfection, je montre juste une histoire, un process. » Les robes exposées sont en cours de réalisation, présentées sur des bustes, illustrant le savoir-faire des ateliers et le goût pour le volume du créateur, qui modèle ses collections sur le corps, en trois dimensions. Les matières employées sont représentatives de la maison : satin, dentelle, gazar, tulle de soie mais aussi jersey technique. Ces créations inachevées sont photographiées telles quelles, sans « photoshop ou photo-choc », commente Alber Elbaz, épinglant l'obsession contemporaine pour l'image parfaite. « Nous vivons à une époque où tout ce qui compte c'est être parfait, nous avons peur de ne pas avoir une image parfaite, de ne pas avoir le sac parfait, des enfants parfaits, nous sommes gênés de ne pas avoir la maison parfaite », observe-t-il. « Moi, j'ai très peur de cette sorte de perfection parce qu'il y a quelque chose de faux, quand sur un visage on efface les rides, peut-être qu'on se sent plus jeune mais ça ne veut pas dire qu'on est plus jeune. » Sur un mur rouge, couleur qu'affectionne Alber Elbaz, des mots ont été inscrits pêle-mêle en anglais et en français, en lettres blanches : à côté des « beauté », « atelier », « plissé » ou « size zero » figurent de moins attendus « ketchup », « pizza », ou « 100% cacao ». « Je dis toujours que, quand j'ai plein d'idées, je mange beaucoup et, quand je n'ai pas d'idées, je mange beaucoup ! » commente Alber Elbaz, hilare. Alber Elbaz/Lanvin : Manifeste, du 9 septembre au 31 octobre. D'après un article de L'AFP/Fashion mag de septembre 2015. |
AuteurLaurence Barbier Archives
Janvier 2018
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